DÉCOLONISER LES ESPRITS

Le Journal du Panafricanisme Économique, Géopolitique & Géostratégique

Le Panafricanisme N’Est Pas à Vendre !

Enfin ! ENFIN ! La Ligue Panafricaine UMOJA, qui est pour moi la voix officielle du panafricanisme en France, s’exprime enfin sur cette mascarade qu’a été toute cette semaine où s’est déroulé le 9ème Congrès Panafricain à Lomé.

Une Semaine sous Haute Tension Géopolitique

Une semaine compliquée, où la tentative de coup d’État au Bénin du 7 décembre 2025 – un jour avant la cérémonie d’ouverture de ce congrès – a monopolisé toute l’actualité africaine et attiré l’attention vers le Bénin, voisin du Togo. En vérité, une diversion bienvenue, tant il était crucial d’empêcher une communication triomphale sur ce qui n’était rien d’autre qu’un détournement politique et géopolitique d’une idéologie et d’un mouvement de libération qu’est le panafricanisme.

Mon Combat Cette Semaine

Je me suis beaucoup agité cette semaine, menant mon combat et mes dénonciations, souvent seul dans ma démarche. Je suis un peu la bête noire de la Ligue Panafricaine UMOJA pour mes opinions tranchées et sans équivoques.

Le président de cette structure – celui que je nomme le Boss des Boss du panafricanisme en France et dans l’espace francophoneAmzat Boukari-Yabara – m’avait déjà recadré lorsque je l’avais interpellé de manière un peu abrupte sur mon compte Facebook suite aux déclarations d’Ousmane Sonko et Jean-Luc Mélenchon sur le panafricanisme de Gauche. Il n’avait pas apprécié mon ton impétueux et peut-être un peu agressif, malgré mes efforts pour mettre les formes avec la diplomatie que l’on me connaît. Mais son adhésion à cette farce n’était qu’un prélude à cette grand-messe du panafricanisme kidnappé par les institutions de la Françafrique un an plus tard.

Le respect des aînés est important – c’est même un principe confucéen. Je m’en excuse encore s’il n’a jamais entendu mes excuses publiques. Mais il est vrai qu’il nous faut désormais maintenir une rigueur sans faille et beaucoup plus de discipline dans l’application et la diffusion du panafricanisme.

Qui Suis-Je pour Parler Ainsi ?

Je reconnais que beaucoup ne savent pas qui je suis et peuvent légitimement s’interroger sur la légitimité de mes prises de position. Mon engagement politique relève de l’implication citoyenne dans la vie de la cité, mais n’a rien d’électoraliste. De toute manière, je ne suis éligible nulle part en Afrique. Donc, à moins de devenir un conseiller spécial comme W.E.B. Du Bois le fut pour Nkrumah, je n’ai aucune vocation à faire de l’ombre à quiconque.

Encore ce matin, une personne que je côtoie depuis des années me demandait : « Mais t’es qui, toi ? Un journaliste d’investigation ? » J’ai gentiment répondu que je n’étais personne… Je fais du journalisme citoyen. Mon rôle est d’informer, d’analyser et de prévenir, rien d’autre. Libre à toi de m’écouter ou de te laisser surprendre… mais moi, je surveille les « angles morts ».

Une Approche Qui Dérange

Je sais que je dérange parce que je n’ai pas l’approche universitaire et conventionnelle qui rassure habituellement ma communauté. Mon parcours d’ingénieur IT m’a façonné autrement : je pense en termes de projets, de déploiement, de solutions concrètes plutôt qu’en termes de discours idéologiques.

Or, nous avons besoin, de manière générale, de formations sur la conduite du changement pour mieux adapter notre culture, nos traditions et nos idéologies au monde d’aujourd’hui. Le panafricanisme ne peut rester figé dans les approches du XXe siècle alors que nous sommes en 2025.

Une Réaction Trop Tardive de la Ligue UMOJA

La réaction de la Ligue a été, pour moi, très tardive – voire même trop tardive. On ne peut plus continuer dans l’extrême modération, dans l’hésitation permanente, dans la préservation des egos au détriment de la vérité, en laissant monter la frustration de ceux qui se battent depuis des années pour une meilleure compréhension et une élévation des valeurs et principes du panafricanisme.

Nous Avons Besoin de Gardiens de la Maât

Nous devons instituer des Gardiens de la Maât, comme à l’époque pharaonique – des gardiens capables d’intervenir rapidement dès lors qu’on constate une dérive dans l’application de nos préceptes ou une instrumentalisation de notre mouvement.

En tant que Gardiens du Temple Panafricanisme, nous devons être vigilants sur ce qui se dit et se fait au nom du panafricanisme. Nous devons le dire haut et fort, sans nous cacher derrière des pseudonymes ou des précautions oratoires excessives. Assumer nos propos, surtout quand ils sont justes et nécessaires.

Le Panafricanisme Institutionnel Face au Panafricanisme de Terrain

Ce 9ème Congrès illustre parfaitement la fracture entre le panafricanisme institutionnel – celui des sommets officiels, des photos de groupe, des discours convenus – et le panafricanisme de terrain, celui des militants, des intellectuels indépendants, de ceux qui refusent la cooptation et les compromissions.

Les Leçons de l’Histoire

L’histoire du panafricanisme est jalonnée de tentatives de récupération institutionnelle :

  • La NAACP aux États-Unis, initialement porteuse d’un projet panafricaniste, fut progressivement vidée de sa substance révolutionnaire pour devenir un organe d’intégration dans le système américain
  • L’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), créée en 1963, devint rapidement un club de chefs d’État plus préoccupés par la préservation de leur pouvoir personnel que par la libération effective du continent
  • L’Union Africaine (UA), qui lui a succédé en 2002, financée à près de 70% par des puissances extérieures (Union Européenne, Chine, États-Unis), peine à incarner une véritable souveraineté africaine
La NAACP (National Association for the Advancement of Colored People) Association nationale pour la promotion des gens de couleur . La communauté juive américaine fut très active dans le mouvement et contribua à le financer.
Aucun Afro-Américain ne dirigea le mouvement avant 1975.

Le 9ème Congrès de Lomé s’inscrit dans cette lignée inquiétante de récupérations institutionnelles qui visent à :

  1. Neutraliser la contestation en l’intégrant dans des structures contrôlables par les pouvoirs en place
  2. Diviser le mouvement entre « modérés » institutionnellement acceptables et « radicaux » qu’on peut marginaliser
  3. Corrompre les militants par l’argent, les postes honorifiques et la reconnaissance institutionnelle
  4. Vider le panafricanisme de sa substance révolutionnaire pour en faire un folklore politique inoffensif

Le Communiqué de la Ligue UMOJA : Une Clarification Nécessaire

Je partage avec vous le communiqué dans son intégralité. Ce document permet de clore officiellement ce chapitre du « 9ème Congrès du Panafricanisme », qui devra être retenu dans l’histoire de notre mouvement comme une tentative de hold-up institutionnel sur le panafricanisme.

« Un communiqué succinct de la @liguepanafricaineumoja sur un phénomène à géométrie variable avec un dénominateur commun : la recherche de crédit et de profit autour du panafricanisme. 

LE PANAFRICANISME N’EST PAS À VENDRE !

Organisation indépendante active depuis quinze ans en Afrique et dans les diasporas, la Ligue Panafricaine – UMOJA constate que le panafricanisme est devenu un fonds de commerce pour un certain nombre de régimes politiques, d’opérateurs économiques et de figures médiatiques. 

Ces acteurs opportunistes alimentent la confusion générale autour de ce mouvement de résistance, de libération et de solidarité des peuples africains du continent et de la diaspora qu’est le panafricanisme. Ils s’achètent une étiquette panafricaine ou ils se vendent à des intérêts étrangers, constituant ainsi des chevaux de Troie de politiques prédatrices et néocoloniales.

Le dernier cas est celui du 9ème congrès panafricain organisé à Lomé du 8 au 12 décembre 2025 par les autorités togolaises avec l’accord de l’Union Africaine.

Quelle que soit leur qualité politique ou scientifique, les participants à ce congrès ont répondu à un régime dont les fondements reposent sur des pratiques contraires aux idéaux du panafricanisme. En effet, de l’assassinat du président Sylvanus Olympio en 1963 jusqu’aux répressions violentes des manifestations populaires en passant par des mécanismes antidémocratiques de conservation du pouvoir, la culture d’impunité du pouvoir togolais ne lui donne pas la légitimité d’organiser un tel congrès ou de porter des questions aussi éthiques que celle des Réparations ou de la philosophie Ubuntu. 

Aucun pays africain ne saurait d’ailleurs accueillir dignement des centaines d’afrodescendants quand autant de jeunes, femmes, artistes, militants ou défenseurs des droits, y compris des afrodescendants, croupissent en prison dans des conditions inhumaines et dégradantes, et que de nombreux autres sont contraints à l’exil, au silence ou à la clandestinité.

La Ligue Panafricaine – UMOJA ne peut qu’exiger au Togo, et dans tous les territoires concernés par cette situation, la libération de tous les prisonniers politiques du colonialisme, du néocolonialisme et de l’impérialisme conformément aux valeurs du panafricanisme, le respect des droits humains et la satisfaction des besoins élémentaires et vitaux des peuples, notamment des jeunesses et des femmes.

Nous saluons la lutte du peuple togolais et de tous les peuples épris de justice et de liberté. Nous appelons à résister aux manipulations et aux détournements du panafricanisme par le renforcement du travail d’éducation, de formation, de conscientisation et d’organisation politique, ainsi que par une culture d’intégrité et de responsabilisation collective.

UMOJA NI NGUVU ! L’UNION FAIT LA FORCE !

Le Bureau Politique Provisoire « 

Ce Que Ce Congrès Nous Enseigne

Cette affaire du 9ème Congrès nous rappelle plusieurs vérités fondamentales sur l’état actuel de notre mouvement :

1. Le Panafricanisme N’Est Pas à Vendre

Le panafricanisme ne peut être acheté, vendu ou coopté par des gouvernements autoritaires ou des intérêts extérieurs. C’est un mouvement de libération des peuples noirs, pas une marque politique à exploiter pour redorer le blason de régimes contestés.

2. La Vigilance Permanente Est Notre Devoir

Nous devons identifier et dénoncer les infiltrés, les opportunistes et les traîtres qui instrumentalisent le panafricanisme pour servir leur agenda personnel ou pour défendre des intérêts contraires à la libération effective des peuples noirs.

3. L’Unité Ne Signifie Pas l’Uniformité

« Africa Must Unite » ne signifie pas que nous devons tous penser de la même façon ou accepter toutes les démarches au nom d’une unité de façade. L’unité véritable se construit dans le débat franc, la critique constructive et le refus catégorique des compromissions avec l’oppression.

4. La Discipline et la Rigueur Sont Essentielles

Comme je le développe dans mes travaux sur le Panafricanisme 3.0, nous avons un besoin urgent de rigueur méthodologique, de discipline organisationnelle et de compétence technique. Le panafricanisme ne peut plus se contenter de belles paroles, de bonnes intentions et de sommets médiatiques sans lendemain.

Appel aux Gardiens du Temple

Je lance un appel solennel à tous les Gardiens du Temple Panafricanisme, où qu’ils se trouvent :

  • Cessons l’extrême modération qui nous paralyse et nous rend inefficaces
  • Dénonçons publiquement les dérives et les tentatives de récupération, même si cela déplaît
  • Assumons nos positions avec courage, même si elles dérangent les consensus mous
  • Formons-nous rigoureusement aux enjeux contemporains : finance décentralisée, technologies émergentes, géopolitique des infrastructures, ingénierie sociale
  • Construisons des structures autonomes qui ne dépendent ni des gouvernements ni des financements extérieurs compromettants
  • Appliquons les principes de gestion de projet au panafricanisme : planification, budgétisation, évaluation, discipline d’exécution

Conclusion : De la Dénonciation à la Construction

Ce 9ème Congrès de Lomé restera dans l’histoire comme une tentative avortée de domestication du panafricanisme par un régime autoritaire. La mobilisation critique des militants sincères et la vigilance de structures comme la Ligue UMOJA ont permis d’éviter le pire.

Mais la dénonciation ne suffit jamais. Nous devons maintenant construire concrètement l’alternative :

  • Des institutions panafricaines indépendantes et incorruptibles, financées par la diaspora et les entrepreneurs africains conscients
  • Des projets concrets d’intégration économique, technologique et infrastructurelle du continent
  • Une formation rigoureuse des nouvelles générations aux principes ET aux méthodes du panafricanisme contemporain
  • Une discipline de fer contre l’infiltration, la cooptation et les compromissions avec les ennemis de la libération noire

Le panafricanisme n’est pas à vendre. Et nous veillerons collectivement à ce qu’il ne le soit jamais.

Patrice NZIANSÈ , le 14 Décembre 2025 à Paris


Communiqué Officiel de la Ligue Panafricaine UMOJA :


Note de l’auteur : Ces réflexions s’inscrivent dans une analyse plus vaste développée dans ma série Le Petit Manuel Africain de Guerre Économique (5 tomes). Pour une étude complète des enjeux du panafricanisme contemporain, consultez mon blog où sont disponibles les vidéos d’analyse, les documents de référence et les compléments d’information que Facebook censure régulièrement.

Patrice NZIANSE

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