DÉCOLONISER LES ESPRITS

Le Journal du Panafricanisme Économique, Géopolitique & Géostratégique

Talon et Tigri, les deux dindons d’une farce : Le Bénin pris dans le jeu colonial de l’époque Foccart et Bob Denard

Plus le temps passe, et plus une vérité se détache : ce coup d’État du 7 décembre 2024 a été le fruit de manipulations de l’État béninois, des putschistes et des militants panafricains anti-impérialistes.

Un coup à trois bandes qui part de l’idée que les Africains sont trop bêtes et trop émotifs pour démêler cet imbroglio à temps avant de tomber dans ce piège grossier qui leur est tendu à tous les trois. Et malheureusement, il s’avère qu’une grosse partie des élites africaines, de la diaspora et des politiques locaux sont bien tombés dans l’interprétation puérile et naïve d’un simple coup d’État, que le narratif veut imputer à l’AES et aux militants panafricains comme Kemi Seba pour faire d’une pierre deux coups.

En vérité, aucune des quatre parties – la team Talon, la team Tigri, la Team AES et la team Kemi Seba – n’ont eu l’entièreté des pièces du puzzle qui s’est monté devant eux, pour les uns contre eux et pour les autres sans eux, pour maintenir une certaine pression sur eux. Il n’y a aucun gagnant, aucun perdant, que des pions sur un échiquier, des boules sur un tapis de billard qui vont toutes finir au trou, poussées par la boule blanche… La boule blanche étant les officines de l’ombre, aussi appelées vulgairement les agences d’espionnage.

Le spectre de Foccart et l’école de la manipulation

Ici, nous revenons presque soixante ans en arrière, quand le général Charles de Gaulle et son Monsieur Afrique Foccart séduisaient nos naïfs présidents de beaux sourires et de belles phrases. Le renard et le corbeau – mais là, les corbeaux ont été tous ces présidents assassinés ou écartés violemment du pouvoir. Ils fomentaient des complots compliqués pour maintenir et contenir les États africains auprès d’eux, avec eux et pour eux, sous la coupe française.

L’Élysée a toujours su créer l’illusion d’être le seul ami fiable de tous les Africains, le seul à pouvoir les protéger de leurs propres populations qu’ils administrent, de tous les militants et/ou opposants un peu radicaux et surtout des coups d’État ou autres renversements, mais aussi du reste du monde – d’où les nombreux partenariats militaires. Donc au-delà du mythe du pré carré français en Afrique, moi je parlerais d’un centre névralgique qui part de l’Élysée pour s’étendre sur toute l’Afrique francophone, dans un souci de contrôle et de manipulation.

Le plus souvent, et l’on peut le déplorer, nos présidents sont seuls et isolés dans une terre hostile qui est pourtant la leur. Ils ont peur des leurs, de leur entourage et de leurs militaires. Oui certes, ils se sont battus pour être sur un trône pour lequel ils ont longtemps attendu, pour lequel ils ont fait verser beaucoup de sang. À part peut-être leur épouse, ils n’ont aucun ami au pays, souvent une garde très rapprochée se limitant à quelques personnes. Et c’est dans ce cadre restreint que se cache souvent un traître, un observateur et un manipulateur au service de l’Élysée.

L’école Foccart/Denard a permis d’élaborer des stratégies fines, de manipulation fine autour de ces Noirs qui refusent d’apprendre et préfèrent s’en remettre uniquement à la mère patrie, la France, pour se faire une opinion et avoir une stratégie. Depuis que l’école des otages a été créée et posée en Afrique, l’on n’a jamais pu se défaire de la France, de sa présence physique et intellectuelle.

Précisions méthodologiques

Avant de continuer, il est important de se cantonner à dire que tout ce qui est écrit ici n’est pas un discours de haine anti-France. Ici, l’on est dans de la géopolitique et de la stratégie de guerre économique. Un rapport d’incident avec tout son lot d’analyses factuelles et historiques des faits, et un recoupement des témoignages faits ultérieurement glanés çà et là sur internet de part et d’autre.

Mais comme déjà dit, toute information provenant d’Afrique et d’Africains est rarement sourcée précisément. L’information se confirme souvent avec le temps, mais à chaud, ce sont des indiscrétions que l’on ne peut éluder mais avec lesquelles nous nous devons d’avoir de la réserve. La partie adverse, avant qu’elle soit prise la main dans le sac, criera à tue-tête que tout ce qui est dit est de la fake news. Cela leur permet souvent de pouvoir gagner du temps pendant ce moment d’incertitude.

Mais la plupart des agissements d’ingérence française en terre africaine ont toujours fini par se confirmer dans le temps, mais bien longtemps après. Et ce faux coup d’État sera la preuve de faire du Bénin un hub de déstabilisation régionale au plus près de l’AES, et cela à l’insu et à la barbe des populations béninoises qui n’y comprennent souvent rien. Pas parce qu’elles ne seraient pas intelligentes, mais parce que leur État même est manipulé depuis la tête.

L’erreur de tous les présidents africains depuis les indépendances : avoir toujours pensé être plus malins que le colon et penser pouvoir le manipuler, savoir le faire parce qu’ils auraient lu Le Prince de Machiavel, alors que dès le début, nos gouvernements africains ne sont que les dindons de la farce. Il est donc important de comprendre le contexte pour anticiper la suite. C’est le but d’une analyse après coup, d’un debunkage.

Pourquoi la France ? La veille économique comme moteur

Et pourquoi la France est-elle souvent au cœur de ces débats et de ces manipulations ? Parce qu’elle est dans une démarche de veille économique qui passe par la maîtrise des lieux où elle investit, où elle a ses intérêts économiques, ses entreprises, où elle doit protéger ses ressortissants, ses investissements, ses entreprises et ses infrastructures.

On ne déstabilise pas par plaisir et l’on ne crée pas le chaos par simple fantaisie. Que ce soit les États-Unis ou le reste de l’Occident, leurs économies reposent sur le contrôle de richesses acquises souvent de manière douteuse loin de leurs frontières. Comment s’assurer le plus longtemps possible de son approvisionnement ? Comment en maintenir l’accès ? Protéger sa supply chain ! Comment les sécurise-t-on ? La France ne fait que protéger ses industries, ses industriels, ses investissements et ses relations feintes en Afrique.

Dans une marée d’hommes et de femmes noirs qui ne savent pas qu’ils marchent et dorment sur des fortunes, ne savent pas les mettre en valeur, ne savent pas les exploiter et n’ont aucune notion d’industrialisation, de protection, de préservation et d’anticipation, il ne s’agit pas de leur dire ce que l’on peut en faire, le moins de leur apprendre. D’où l’intérêt de produire et transformer loin des regards et surtout pas localement… Le savoir-faire doit rester d’abord français. Et de toute manière, tout ce qui provient transformé d’Afrique par des Africains, les Occidentaux n’en veulent pas, en tout cas quand il s’agit de produits agro-industriels.

On se rappelle de l’affaire El Mordjene, une pâte à tartiner fabriquée en Algérie dont on a monté tout un alibi de normes sanitaires pour empêcher que cette marque mette un terme à l’empire du Nutella. L’Union européenne applique des normes sanitaires très strictes en matière d’importation de produits alimentaires. Selon le règlement UE 2021/405, seuls les produits provenant de pays respectant des standards précis, notamment pour les dérivés du lait, peuvent être autorisés sur le territoire européen. L’Algérie, d’où est originaire El Mordjene, ne fait pas partie des pays reconnus pour exporter des produits laitiers vers l’UE.

Cette restriction signifie que tous les aliments contenant des dérivés du lait, comme la crème ou le lait en poudre présents dans la pâte à tartiner El Mordjene, sont automatiquement exclus d’importation en Europe. Cette mesure vise officiellement à garantir la sécurité alimentaire des consommateurs. Et ça, les Africains doivent le savoir dès maintenant : tout ce que vous transformerez chez vous localement, l’Occident (Europe et États-Unis) n’en voudra pas et vous bloquera à la frontière, sauf si, cas exceptionnel, c’est l’un des leurs qui en est le propriétaire et le fournisseur.

La marge avant tout : l’impossible ascension africaine

Aussi, l’on doit avoir une approche froide de la situation. La richesse d’une entreprise s’obtient sur la marge que l’on dégage sur chaque produit. Il n’est pas dans leur intérêt de payer un produit au juste prix, de former des locaux à identifier ces richesses à l’état brut puis à les transformer. Jamais l’Occident n’acceptera d’être le consommateur d’Africains, de dépendre alimentairement d’Africains et, demain, de voir s’enrichir des Africains et dominer le monde comme l’a fait la Chine.

La Chine a réussi à le faire grâce à la technologie, car l’électronique est un bien de consommation universelle. La Chine a su prendre les devants, mais au prix de ruses : passer pour plus idiots qu’on ne le croit. Et cela est une stratégie développée par Mao dans son Livre Rouge. Montrer une servilité et une docilité sans faille tout en exigeant un rapatriement des connaissances techniques sur leur sol en jouant sur l’appétit du gain des Occidentaux. Et l’idée pour eux était d’aller vite avant que l’Occident se rende compte qu’en fait, ils avaient fait la plus grosse erreur en donnant tout leur savoir sans restriction, gratuitement, aux Chinois.

La Chine a toujours été un monde d’innovation. Mais tout cela fut oublié, presque perdu, quand elle eut à se relever après deux siècles d’humiliation. Deux siècles où elle est repartie presque de zéro et a dû réapprendre comment s’insérer dans un monde mondialisé, pour revenir à son leadership commercial d’antan, quand elle dominait uniquement la sous-région et que son adversaire le plus turbulent était le Japon. Un ennemi violent et sanglant qui a beaucoup pris de sa culture – on le retrouve dans l’écriture en rajoutant sa touche et son raffinement. Mais là n’est pas la question… Parler de Chine est toujours passionnant, mais l’on doit revenir de notre analyse de l’emprise de la France sur les pays africains de son pré carré.

Le Franc CFA : pierre angulaire du système

Cette longue introduction pour vous faire comprendre que tout cela n’est pas une théorie du complot supplémentaire née de mes élucubrations, mais une stratégie dans l’ordre des choses d’une puissance qui souhaite garder la mainmise sur ses entreprises installées en Afrique et les ressources naturelles, minières ou autres qu’elles contrôlent au travers de ses entreprises, ce qui anime et qui produit de la valeur et ramène des revenus.

Orange, qui n’est pas au Bénin mais dans un grand nombre de pays africains, génère plus de bénéfices en Afrique qu’en France. Avec des revenus en hausse de plus de 11 % en 2024, cette zone géographique est aussi la plus rentable pour l’opérateur télécoms. Mais ici, il ne s’agit pas de télécom, il s’agit aussi et d’abord de pérennisation de la monnaie, le Franc CFA, qui est en jeu dans toute la sous-région et qui va contribuer à la chute de l’empire français si elle devait être peu à peu démantelée.

C’est aujourd’hui le même problème que vivent les États-Unis avec la dédollarisation des échanges mondiaux. Le volume de transactions qui se faisait majoritairement, voire exclusivement, en dollar depuis le traité de Bretton Woods lui permettait de vivre largement au-dessus de ses moyens puisqu’elle pouvait utiliser de l’argent qui ne lui appartenait pas. À la fois monnaie de réserve mondiale, le dollar était la principale monnaie utilisée pour le commerce international (pétrole, matières premières, etc.).

Cela donnait aux États-Unis un pouvoir économique énorme : ils pouvaient émettre de la monnaie sans risque immédiat d’effondrement car la demande mondiale était forte ; un financement à bas coût – les pays étrangers achètent des bons du Trésor américain pour leurs réserves, ce qui finance la dette américaine. Aussi, pas besoin de réserves en devises étrangères : comme les transactions internationales se font en dollars, les États-Unis n’ont pas besoin de stocker des devises étrangères pour stabiliser leur monnaie. Les autres pays, eux, doivent détenir des dollars pour leurs échanges. L’influence géopolitique de cette situation : le dollar permet aux États-Unis de contrôler une partie du système financier mondial (SWIFT, sanctions économiques, etc.).

La France avait exactement le même fonctionnement avec le Franc CFA, avec des pays africains obligés de passer par elle pour toute transaction et échange commerciaux à l’extérieur, et avec une interdiction formelle d’acheter de la devise étrangère. Tout était centralisé à la Banque de France. Même si l’on nous minimise le montant exact des flux financiers africains, l’acharnement à contraindre les Africains d’y rester montre que toute la vérité ne nous est pas dite sur les véritables gains perçus par la France.

Il n’est pas dans l’intérêt de garder un boulet, et la manière dont semble être gérée la zone FCFA donne plutôt l’impression que tout y est bordélique, le foutoir, et sans aucune façon d’y gagner quelque chose, surtout quand tu es une petite structure à taille humaine. Aujourd’hui, même si le nombre de pays ayant adhéré au système Franc CFA n’a pas bougé depuis 1960 ou très sensiblement, personne n’en est encore sorti… créant une sorte d’économie de rente confortable et indispensable à la France.

L’AES : la menace existentielle

Mais avec l’avènement de l’AES, pour la première fois depuis les indépendances, nous avons une organisation africaine fédérée en confédération de pays qui se sont donné le mot pour sortir de cette monnaie et ébranler fortement les revenus d’une France à l’agonie.

Mais le processus est très long, avec énormément de contraintes à respecter pour introduire une monnaie non produite et diligentée par les Occidentaux. Une monnaie sur laquelle ils n’auraient aucun pouvoir de décision et de regard, et qui devra permettre les échanges avec sa devise. Donc cela demande aussi qu’il y ait quelque chose à vendre. Le plus logique sera de l’adosser à l’or, qui est une référence mondiale.

L’on rappelle que le dollar bénéficie depuis justement les accords de Nixon (Nixon shock) de cette exception à n’avoir aucune convertibilité du dollar en or depuis 1971, ce qui a provoqué une dépendance à la confiance mondiale (le dollar repose sur la puissance économique et militaire des USA, pas sur une valeur tangible) et une vulnérabilité en cas de perte de statut de monnaie de réserve.

Beaucoup de mécanismes sont mis en place pour freiner cette arrivée monétaire avec une transition qui se fera forcément très progressivement : récupération de tous les billets de Franc CFA pour se les faire solder par le Trésor public français. L’on rappelle aussi, mais cela fera l’objet d’un autre article, les zones Franc CFA n’ont jamais eu de banque centrale malgré les fausses dénominations et appellations de la BEAC et de la BCEAO… Aucune d’elles ne joue le rôle attendu d’une banque centrale mais plutôt le rôle de succursale de la Banque de France sans le pouvoir et la puissance qui vont avec.

La sortie de trois pays, cela représente ~16,8 % du total de la CEDEAO, ~11,5 % du PIB nominal total de la CEDEAO… de manière officielle. Mais je crois rarement à ces chiffres, car trop de moyens sont mis en forme pour sauver le Franc CFA au sein de cette CEDEAO et surtout diminuer les possibilités d’aller vers l’ECO, cette monnaie fédérale que voulait imposer Macron avec son complice Ouattara à toute la sous-région.

Depuis que la France s’est incluse dans le jeu, ce qui était une idée des pays africains de la sous-région et devait être de leur propre initiative s’est vu freiner et stopper. Le Nigeria et le Ghana en étant les plus réfractaires d’être dans une monnaie diligentée par la France ou l’Europe à l’exacte manière du Franc CFA. Mais second problème ! Pour l’instant, l’AES utilise encore le Franc CFA avec tout son service bancaire qui va avec, donc payant des frais énormes de gestion de cette monnaie et plus des devises à concéder au Trésor public français, faisant plus penser à un impôt colonial sur nos exportations.

Mais dès que la France va imposer la bascule vers l’ECO, il est certain que cela précipitera la sortie de l’AES de cette monnaie. Même si cela est en cours avec beaucoup de précautions et d’hésitations. Les Africains ont encore peur de faire le grand saut. Mais comme le dit le Capitaine Ibrahim Traoré, il va falloir faire vite sans pour autant tomber dans la précipitation.

Anatomie d’une manipulation : le coup d’État du 7 décembre

Et c’est donc comme par hasard que c’est le Burkina Faso qui est désigné dans ce narratif comme commanditaire de ce coup d’État au Bénin. Or les informations ne sortent que maintenant. Tout depuis le début est manipulation de l’agence de renseignement de la DGSE – mais je dirais plus de la cellule élyséenne.

Un colonel Tigri des forces spéciales qui a été approché par cette même agence avec plusieurs alibis : le manque de contrôle des attaques terroristes et un mécontentement populaire qui nécessiteraient que Talon soit dépossédé de son pouvoir. Et en même temps, Talon qui est prévenu de ce coup d’État.

Des militants panafricains qui, ne sachant rien et découvrant ce putsch à la télé, s’en réjouissent publiquement en ayant l’assurance que tout est sous le contrôle de l’armée… Puis patatras, les positions des putschistes sont bombardées. L’on dit d’abord par le Nigeria, qui en endosse la responsabilité. Mais l’on apprend de plus en plus que c’est l’armée française qui intervient comme un sauveur pour protéger le président Talon.

La gagnante dans cette histoire : l’armée française qui légitime sa présence, maintenant visible au Bénin. Comme à Abidjan, elle va procéder à des checkpoints partout dans le pays, soi-disant à la recherche des fuyards et d’autres terroristes… qui d’ailleurs vont, comme par hasard, descendre au Sud dans les grosses agglomérations. L’armée béninoise va se voir disqualifiée par le président qui va en perdre la confiance. Le président aura été trahi par son armée et manipulé par l’armée française dont il en sera presque l’otage, ou plutôt sous protection, mais avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête.

Le témoignage du Colonel Tigri : confirmation d’une manipulation

Il est important d’intégrer ce témoignage qui peut être un faux… Comme je vous le dis, l’information en Afrique n’est pas fiable, beaucoup d’affabulateurs. Mais elle illustre un scénario possible et vient confirmer l’analyse que nous venons de développer.

[Le 17 décembre au matin, le Lieutenant-Colonel Pascal Tigri aurait contacté une rédaction africaine pour briser le silence]

Selon ses déclarations, la DGSE française aurait fait comprendre aux militaires que le président Talon était incapable de lutter efficacement contre le terrorisme et qu’un militaire devait prendre la tête du pays. Tigri affirme : « Jamais nous n’avions envisagé ni planifié un coup d’État au Bénin. La DGSE nous a assuré que le président Talon ne contrôlait plus la menace terroriste et qu’un militaire, à l’image des pays de l’AES, devait prendre la tête du pays pour redresser la situation. »

Au fil des rencontres, les agents français les auraient convaincus qu’il devait prendre les commandes afin de prendre des décisions fortes et mettre fin aux pertes dans leurs rangs. Plusieurs réunions avec des membres de la DGSE auraient eu lieu pour préparer l’opération. Les Français leur auraient assuré qu’un accord avait été conclu avec certains éléments du palais, chargés de leur laisser le passage. Le plan prévoyait une intervention à la télévision nationale, une opération bouclée à 5h, puis une annonce officielle à 5h45, dans le calme.

Mais selon Tigri : « Les forces spéciales françaises nous ont demandé d’attendre leur signal pour l’assaut final sur le palais, qui était supposé être sous contrôle. Mais au fur et à mesure, il est apparu qu’ils changeaient de stratégie. »

Le colonel affirme que deux groupes de forces spéciales françaises étaient engagés. Celui qui était avec lui avait un autre objectif, qu’ils n’ont compris que trop tard : s’emparer du président Talon. « Croyez-vous que nous aurions arrêté des généraux pour les relâcher ensuite ? Pensez-vous que nous n’avions pas les moyens de neutraliser le président Talon si nous avions réellement voulu réussir le coup ? »

Il révèle avoir accepté de prendre la tête du mouvement à condition qu’il s’agisse d’un coup d’État classique, sans violence contre les dirigeants. Cette proposition arrangeait les Français qui jouaient en réalité un double jeu. Tigri affirme avoir été isolé dans un endroit secret par les Français, qui répétaient que tout avançait selon le plan et qu’il devait patienter avant de faire une déclaration. C’est à ce moment que certains de ses hommes, informés du double jeu, l’auraient exfiltré vers un endroit sûr.

Ses révélations les plus graves concernent la suite : « Aujourd’hui, tout s’éclaire. J’ai même appris que le président Talon était informé du complot. La France cherche à justifier sa présence au Bénin et à agir librement sous couvert de l’adhésion populaire. Ceux qui ont bombardé nos positions étaient des soldats français, pas nigérians. Le plan consistait à faire croire à une intervention de la CEDEAO à travers le Nigeria, afin d’éviter la colère populaire. »

Il ajoute : « Le président du Nigeria sait très bien qu’il ne s’agissait pas d’un coup d’État. Il a accepté de jouer le jeu pour redorer l’image de la CEDEAO. Tout ce scénario vise à préparer une attaque contre le Burkina Faso et le Niger. Aucun des pays membres de l’AES n’était informé de ce coup d’État. »

En parallèle, le président Patrice Talon lui-même a fait des confidences face à la presse le jeudi 18 décembre 2025, rapportées par Benin Web TV : « À un moment, nous avons eu Tigri au téléphone. Nous lui avons dit ‘C’est de la folie ce que tu fais’. Il a demandé de ne pas les bombarder. » Selon les sources, certains mutins ont tenté de fuir en civil et à moto, tandis que Pascal Tigri a quitté le camp de Togbin en voiture, également vêtu en civil.

Conclusion : Le Bénin, base arrière d’une guerre qui ne dit pas son nom

Ce témoignage, s’il se confirmait, viendrait valider l’ensemble de notre analyse. Nous sommes face à une opération classique de l’école Foccart/Denard, modernisée pour le XXIe siècle. Un coup d’État qui n’en est pas un, une manipulation à plusieurs étages où chaque acteur croit jouer son propre jeu alors qu’il n’est qu’un pion sur l’échiquier d’intérêts bien plus vastes.

La France, menacée par l’émancipation monétaire et politique de l’AES, a besoin d’une base arrière stable à proximité immédiate de cette confédération rebelle. Le Bénin, par sa position géographique et la fragilité de son président, représente le candidat idéal. En orchestrant ce faux coup d’État, Paris réussit un coup de maître :

  • Elle légitime sa présence militaire au Bénin sous couvert de protection du président
  • Elle discrédite l’AES en l’accusant de déstabilisation régionale
  • Elle affaiblit les militants panafricains en les associant à un putsch raté
  • Elle place Talon sous contrôle, transformant le président en otage consentant
  • Elle prépare le terrain pour de futures opérations contre le Burkina Faso et le Niger

Le colonel Tigri, Patrice Talon, Kemi Seba et même les dirigeants de l’AES ont tous été les dindons de cette farce savamment orchestrée. Chacun croyait avoir une longueur d’avance, chacun pensait jouer sa propre partition. Mais la partition avait déjà été écrite à l’Élysée, et le chef d’orchestre n’a fait que guider ces pantins vers leur propre piège.

L’histoire africaine se répète, tragiquement. Soixante ans après les indépendances, les méthodes ont à peine changé. Seuls les noms et les uniformes sont différents. Foccart et Denard seraient fiers de leurs héritiers.

La vraie question maintenant : combien de temps faudra-t-il aux Africains pour enfin apprendre de leurs erreurs ? Combien de coups tordus supplémentaires avant que nos élites cessent de croire qu’elles peuvent battre l’ancien colon à son propre jeu ?

Comme le dit le Capitaine Traoré, il va falloir faire vite. Mais surtout, il va falloir faire intelligent. Et cela commence par cesser de sous-estimer l’adversaire et surestimer nos propres capacités de manipulation. Dans ce jeu-là, nous partons toujours perdants. La seule solution : refuser de jouer selon leurs règles.

Le Bénin vient de nous offrir un cas d’école. À nous d’en tirer les leçons avant que le prochain pays ne tombe dans le même piège.

Patrice NZIANSÈ , le 19 Décembre 2025 à Paris

Patrice NZIANSE

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