DÉCOLONISER LES ESPRITS

Le Journal du Panafricanisme Économique, Géopolitique & Géostratégique

De Protégé à Paria : Le revirement occidental contre Kagamé au nom des minerais stratégiques »

Comment les États-Unis et l’Europe ont sacrifié leur ancien allié rwandais pour sécuriser l’accès aux ressources congolaises

La Sinophobie stratégique des États-Unis : Un impact géopolitique mondial

La politique sinophobe des États-Unis est en train de redéfinir les équilibres géopolitiques mondiaux. Son objectif principal : affaiblir la Chine en ciblant ses alliés et en limitant son accès aux ressources stratégiques. Dans un précédent article, j’ai analysé ce que j’appelle la stratégie sinophobique – une approche systémique visant à réduire l’influence économique et politique de la Chine.

Cette stratégie repose sur deux leviers principaux :

  1. Le soft power émotionnel : Les États-Unis instrumentalisent les peurs historiques et les divisions idéologiques pour diaboliser la Chine et renforcer leur propre attractivité comme partenaire incontournable.
  2. La guerre des ressources : En s’assurant un accès direct aux minerais critiques (comme ceux de la RDC), Washington cherche à priver Pékin des matières premières essentielles à son industrie high-tech.

L’Europe dans la course : Une stratégie en retard ?

L’Union européenne, ne voulant pas être exclue de ce jeu géopolitique, tente elle aussi de se repositionner, notamment via le Rwanda. Mais son manque d’innovation technologique (notamment dans l’IA et les industries de pointe) la place en position de faiblesse face aux États-Unis et à la Chine. Contrairement à Elon Musk, qui développe des technologies futuristes nécessitant des terres rares, l’Europe accuse un retard critique.

L’Afrique face à un choix crucial

Pour les pays africains, le moment est décisif :

  • Rester proche de la Chine pourrait garantir des investissements durables, mais expose au risque d’être pris en étau dans la rivalité sino-américaine.
  • Se rapprocher des États-Unis offre des opportunités à court terme, mais l’histoire montre que Washington a tendance à abandonner ses alliés dès qu’ils deviennent trop indépendants (comme ce fut le cas avec la Chine elle-même, soutenue économiquement pour contrer l’URSS avant d’être perçue comme une menace).

Le cas Kagamé : Symbole d’un réalignement géopolitique

La déchéance programmée de Paul Kagamé, autrefois protégé de l’État profond américain, illustre ce changement de paradigme. Donald Trump, en rupture avec les stratégies traditionnelles, préfère désormais traiter directement avec la RDC plutôt que de passer par des intermédiaires comme le Rwanda.

Cette analyse rejoint celle du président Banda Kani, qui décrypte les mécanismes de cette nouvelle guerre froide économique. La Chine est désormais l’ennemi principal des États-Unis, et l’Afrique doit choisir son camp avec prudence.


Analyse approfondie du président Banda Kani sur la chute annoncée de Kagamé et ses implications pour le continent.


Il ne faut pas qu’il y ait de confusion dans l’imaginaire panafricaniste. Le fait qu’il existe plusieurs courants panafricanistes est une chose, mais la confusion dans l’imaginaire panafricaniste n’est pas bonne. Les ennemis du panafricanisme veulent profiter de cette situation pour semer davantage de confusion. Il est important pour les panafricanistes responsables et conscients de tout faire pour clarifier les choses. C’est pour cela que j’insiste dans cette introduction pour clarifier un ensemble de choses.

Quand les panafricanistes ne sont pas en position de prendre le pouvoir, ils doivent faire deux ou trois choses : soit faire des alliances, soit soutenir les dynamiques les plus panafricanisantes. Je répète : quand les panafricanistes ne peuvent pas prendre le pouvoir, ils font des alliances patriotiques. À défaut de faire des alliances patriotiques, ils doivent soutenir les dynamiques les plus panafricanisantes dans leur pays ou sur le continent.

Quand on regarde aujourd’hui le contexte des Grands Lacs, qui faut-il soutenir actuellement ? Paul Kagamé ? Non, ce criminel, ce buveur de sang, ce n’est pas lui qu’il faut soutenir. Évidemment, il faut soutenir Tshisekedi, car sa cause est objectivement juste. Pour la simple raison qu’un pays africain dirigé par un criminel s’est transformé en un engin international pour envahir son voisin et lui voler ses matières premières. Le panafricanisme peut-il accepter cela ?

Monsieur le Président Banda Kani , pouvez-vous préciser la cause du président Tshisekedi pour nos internautes ?

La défense de l’intégrité de son pays, la sécurisation des matières premières de son pays, la protection de ses citoyens qui sont assassinés, génocidés depuis 30 ans. C’est compliqué à comprendre dans le contexte actuel, mais c’est lui qui défend la juste cause. La cause de Kagamé n’est pas défendable. C’est un assassin, un génocidaire qui doit rapidement disparaître du continent.

Actuellement, dans les Grands Lacs, tout ce qui peut aider à faire disparaître ce criminel est une bonne chose. Dans les conditions actuelles, c’est aussi une conséquence d’une longue et profonde réflexion sur le panafricanisme et sur les enjeux de l’Afrique. Nous avons tous compris que nous avons un problème : le frère que l’on utilise contre le frère, la sœur que l’on utilise contre la sœur, c’est la force du Blanc, c’est la force de l’Occident. Parce que le mot « Blanc » peut paraître raciste pour les esprits faibles, mais c’est le problème que nous avons. Désormais, quand on est dans un champ d’analyse ou un champ de conflit, une situation où on peut éliminer le frère ou la sœur qui joue ce rôle-là, on n’hésite pas. Ce serait du progrès.

Dans le cas actuel, Kagamé et sa bande, les Kabila, les Fayulu, les Katumbi, toute cette racaille, ce sont ces gens qui sont dans ce camp. Les éliminer est une bonne chose. Tshisekedi était avec eux, mais il a changé. Il peut même dire aujourd’hui qu’il était avec eux par stratégie. On voit ce qu’il est en train de faire aujourd’hui. C’était le cas avec Kabila. Kabila a fait une alliance, mais une fois arrivé au pouvoir, il a dit : « Je défends mon pays. » Cela peut se comprendre, mais on ne peut pas soutenir Kagamé dans les conditions actuelles.

Quelle est la raison qui peut amener quelqu’un à apporter le moindre soutien à Kagamé et à ce qui est en train de se passer contre la RDC depuis 30 ans ? Comment est-ce possible ?

On ne peut pas. C’est la propagande de Kagamé, soutenue par les Occidentaux. Kagamé était super protégé, il était devenu un quasi-dieu. Quand la cause d’un mal n’est pas isolée, on ne peut pas traiter le mal. Mais la cause du mal a été en partie isolée. C’est clair et net. Donc, Tshisekedi dit qu’il faut le soutenir, indépendamment de ce qu’on pense de lui.

Pour répondre à votre question de manière précise, quand vous hiérarchisez ces contradictions, vous débouchez sur ce qu’on appelle en géopolitique ou même en politique la différence entre le souhaitable, le possible et le faisable. Ce qui est urgent et faisable, c’est que le président sécurise son pays, qu’il mette les envahisseurs rwandais hors d’état de nuire et qu’il protège sa population. Dans ce cas, il a fait une analyse simple : quels sont les soutiens de Paul Kagamé ? Comment tout cela a été organisé depuis 30 ans ? Il a compris que Kagamé est l’instrument de l’Union européenne, des États-Unis, de la France, de la Belgique, de l’Angleterre, et même d’Israël. Ils lui ont donné une crédibilité internationale rarement vue dans l’histoire du continent, en exagérant et en communiquant de manière stratégique sur le soi-disant génocide dont les Tutsi ont été victimes, en oubliant de dire que c’est lui, Kagamé, le génocidaire en chef. C’est lui qui a déclenché le génocide.

Le Rwanda a bénéficié, comme Israël, d’une espèce de culpabilité internationale où chacun voulait se soulager en fermant les yeux sur les crimes de Kagamé et sur le pillage des matières premières qu’il faisait à l’Est de la RDC. C’est cela. Tshisekedi a dit : « Tant que je ne détruis pas cela, je ne peux rien faire. » Au regard même du fait que dans mon pays, nous sommes trop divisés. Regardez le comportement de Monsieur Kabila, de Katumbi, de Fayulu. Vous imaginez des hommes politiques qui vont faire du lobbying à l’étranger contre leur pays, au point de dire que la RDC n’a pas de mines, que les mines sont individuelles ? Oui, ils l’ont fait. Je ne vais pas citer une vermine comme ça, un vaurien. Vous imaginez à quel niveau ? Si vous êtes président, vous faites comment ? Nous qui donnons des leçons, vous faites comment ? Vous n’avez pas d’élite politique, vous n’avez même pas d’armée. Vous faites comment ? Voilà pourquoi nous, qui impliquons Dieu dans ce que nous faisons, disons que c’est la main de Dieu qui est sur Tshisekedi. Parce que ce pays est à terre.

Le choix de Tshisekedi envers les Américains, il faut préciser : Trump est un Américain, mais Trump n’est pas l’État profond. C’est l’État profond qui portait Kagamé. Kagamé, ce sont les enfants de Bill Clinton, Obama et compagnie. Ce n’est pas Trump.

Monsieur le Président, vu que la crise en RDC n’est pas nouvelle, pourquoi cette alliance n’a pas pu avoir lieu avec le président Joe Biden ?

Parce que ce sont les démocrates, avec Joe Biden, qui ont organisé le génocide au Rwanda, pour des raisons que j’ai expliquées dans mes précédentes interventions. Les Bill Clinton sont ceux qui ont organisé le génocide, et ils sont les parrains de Kagamé, de Museveni et toute cette bande. Pendant longtemps, ce sont eux qui contrôlaient les minerais de la RDC et qui protégeaient Kagamé, comme les États-Unis ont fait avec Mobutu pendant la guerre froide. Malheureusement, ils ont perdu le pouvoir, et la défaite des démocrates aux États-Unis est la cause principale de l’affaiblissement de Paul Kagamé et de sa déchéance progressive. Trump n’est pas l’État profond, donc Trump n’a pas les mêmes problèmes. Il ne peut pas avoir les mêmes rapports que Joe Biden avait avec Paul Kagamé.

Cette politique des Grands Lacs, même si Trump en est l’héritier, il ne l’aborde pas de la même manière. Il faut que les gens, quand ils critiquent, tiennent compte de cette nouvelle donne. Si c’était la porteuse de talons qui était passée, le M23 serait aujourd’hui à Kinshasa depuis longtemps. Si c’était elle qui passait aux États-Unis, le M23 et Kagamé devraient déjà être à Kinshasa. D’où vient l’arrogance de Paul Kagamé, un criminel, un buveur de sang, un génocidaire ? Son arrogance vient de quoi ? Parce qu’il savait que tant que l’État profond américain était au pouvoir, il était intouchable. D’ailleurs, il faisait tout. Les présidents africains avaient peur de Kagamé. C’est-à-dire que c’est la première fois dans l’histoire où on voit un criminel être autant célébré en Afrique, présenté comme un modèle, alors que la moitié du budget de son pays vient de l’étranger. On a même vanté le modèle rwandais, qui n’est qu’un modèle criminel et génocidaire. Une démocratie ? Ce sont des bandits, mais c’est un bandit assassin. On n’a pas les mots pour le décrire. Si les mots pouvaient tuer, j’aurais utilisé mes mots pour le faire disparaître.

Quelqu’un qui a participé à autant de morts en Afrique, les gens dans les sommets le reçoivent, les présidents africains le saluent. C’est quand même terrible. Donc, Tshisekedi est en train de traiter avec l’État américain, mais c’est un interlocuteur différent de ceux qui protégeaient Paul Kagamé. C’est une nouvelle donne. Pour quelqu’un qui n’a pas une armée, qui a un pays tel qu’il est, c’est un choix compréhensible, un choix rationnel en matière politique et géopolitique. Ce n’est pas mon choix à moi. Moi, j’aurais préféré la Russie, mais écoutez, je ne suis pas Tshisekedi, je ne suis pas président. Et puis, il ne faut pas aborder la géopolitique avec des dogmes. La Russie, c’est très bien, mais ce n’est pas un dogme géopolitique. Le fait que Tshisekedi choisisse les Américains, et particulièrement Donald Trump, l’histoire jugera. Mais qu’est-ce qu’il peut obtenir de là ? Il est déjà en train d’obtenir des victoires diplomatiques.

Les sanctions sont importantes, ce sont de grandes victoires. L’impact est concret sur le Rwanda. Moins de 50 % de son budget va disparaître. Le dispositif de Kagamé est déstabilisé totalement, parce que ses agents les plus opérationnels de haut niveau sont touchés par les sanctions. Surtout l’inflation aussi, liée aux sanctions. Même James Kabarebe, ce criminel, le patron du M23, est sanctionné. Donc ça déstabilise son équipe et sa stratégie, sans compter la prime de tête qui a été lancée par le gouvernement congolais sur certains hommes politiques.

Mais les sanctions ne suffiront pas. C’est pour ça qu’il faut que l’accord avec Donald Trump aboutisse rapidement. Les sanctions européennes sont une bonne chose, mais c’est un couteau à double tranchant. En dehors des conséquences économiques et politiques qu’elles imposent à l’État rwandais, l’impact militaire n’est pas immédiat. Les sanctions permettent aussi à l’Europe de faire chanter : « Nous t’avons donné les sanctions, donne-nous des garanties sur nos matières premières. » Autrement dit, donne-nous ce que Paul Kagamé nous donnait. C’est l’accord spécial sur les minerais avec l’Europe. Les sanctions sont un message clair : « Nous sommes avec toi, mais en retour, donne-nous ce que nous voulons. »

L’Union européenne a besoin urgemment de ces matières premières. Donc, les sanctions sont un message clair aux populations de la RDC : « Vous ne citez que cela, mais en retour, donnez-nous ce que nous voulons. » Trump veut tous les minerais, donc il y aura un conflit sur les matières premières. Cette Europe, même si elle sanctionne, si elle n’obtient pas ce qu’elle veut, elle ne va pas sanctionner le jour, mais la nuit, elle va s’arranger pour soutenir la rébellion, pour que la déstabilisation continue. C’est comme ça qu’elle discute avec les Africains. Elle déstabilise la nuit et vient discuter le jour, alors que vous êtes déjà affaibli.

Face à cela, la diplomatie de la RDC doit être extrêmement agile et proactive. Il ne faut pas se contenter de l’accord avec les Américains. L’accord avec l’Amérique est le levier principal de la stratégie, mais il faut engager une véritable diversification de la stratégie. L’Europe est en train de jouer un double jeu. Kagamé et ses criminels veulent changer de nom, abandonner le label M23 pour contourner les sanctions. Ils veulent blanchir cette engeance de criminels. Le mouvement criminel qu’on appelle M23 veut désormais faire comme si le M23 est la branche militaire de la LAF. On veut mettre en avant les corniauds comme Nanga. Kagamé va même faire semblant de retirer ses troupes, mais attention. Avant le M23, il y avait d’autres rébellions : le CNDP, etc. Ils changent de nom comme ça. Ils sont dans cette dynamique.

L’Europe ne peut pas faire cadeau à Tshisekedi de son soutien sans obtenir en retour les matières premières. Si elle ne les obtient pas, elle va continuer à soutenir la déstabilisation. Donc, il faut que la diplomatie de la RDC soit proactive et diversifiée.


Patrice NZIANSE

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