DÉCOLONISER LES ESPRITS

Le Journal du Panafricanisme Économique, Géopolitique & Géostratégique

Épisode #1 : L’ascension et les ambitions d’Aliko Dangote dans le secteur pétrolier

Aliko Dangote, l’homme le plus riche d’Afrique, a bâti un empire économique impressionnant en devenant un acteur incontournable dans les industries du ciment, du sucre et de l’agroalimentaire. Aujourd’hui, il cherche à s’imposer dans un secteur tout aussi stratégique : le raffinage pétrolier. Avec la construction de sa méga-raffinerie à Lagos, Dangote s’est lancé dans un projet colossal estimé à 19 milliards de dollars. Pourtant, ce projet ambitieux se heurte à des obstacles considérables, allant des enjeux géopolitiques aux tensions internes au Nigeria. Dans cette série en trois épisodes, nous examinons les défis auxquels Aliko Dangote fait face et les stratégies qu’il pourrait déployer pour surmonter ces obstacles.

Un projet titanesque

La raffinerie Dangote, située dans la zone franche de Lekki près de Lagos, est conçue pour être la plus grande d’Afrique et l’une des plus importantes au monde avec une capacité de 650 000 barils par jour. Ce projet vise à réduire la dépendance du Nigeria vis-à-vis des importations de produits pétroliers raffinés, tout en générant des revenus significatifs grâce à l’exportation de produits raffinés vers d’autres pays africains et européens.

Pourtant, dès le départ, ce projet a rencontré une vive opposition de la part de ce que Dangote appelle la « mafia pétrolière ». Ces cartels, locaux et internationaux, ont tout fait pour saboter l’avancée du projet, exploitant les vulnérabilités d’un secteur déjà miné par la corruption et les intérêts divergents.

La stratégie de Dangote : résilience et diversification

Face à ces obstacles, Dangote a su faire preuve de résilience. Il a su naviguer à travers les pressions économiques pendant la pandémie de COVID-19, période pendant laquelle certaines banques internationales auraient tenté de le pousser au défaut de paiement de ses prêts. Malgré cela, Dangote a réussi à rembourser une partie substantielle de ses dettes, renforçant ainsi sa position financière.

Dans un geste stratégique, Dangote a également cherché à diversifier ses sources d’approvisionnement en pétrole brut. Bien que le Nigeria soit un producteur majeur de pétrole, les difficultés à sécuriser un approvisionnement stable ont poussé Dangote à s’approvisionner auprès de pays tels que les États-Unis, le Brésil, l’Angola, le Sénégal et la Libye. Cette diversification non seulement réduit sa dépendance à l’égard du marché nigérian, mais lui permet également de stabiliser les opérations de la raffinerie dans un environnement souvent imprévisible.

Défis réglementaires et politiques

Un autre défi majeur pour Dangote est la régulation stricte et parfois conflictuelle du secteur pétrolier au Nigeria. La National Petroleum Corporation du Nigeria (NNPCL) et d’autres organismes de réglementation ont été impliqués dans des disputes sur l’approvisionnement et la qualité des produits pétroliers. Ces tensions se sont intensifiées suite à des accusations d’importation de carburant contaminé, mettant en lumière les dysfonctionnements et la nécessité d’une réforme du secteur.

La situation a été exacerbée par le climat politique tendu au Nigeria, surtout après l’élection du président Bola Tinubu, successeur de Muhammadu Buhari, autrefois allié de Dangote. Ce changement politique a apporté son lot d’incertitudes, certains observateurs suggérant que la nouvelle administration pourrait ne pas être aussi favorable aux ambitions de Dangote.

Les propositions de Dangote pour l’avenir

Dans ses interventions publiques, Dangote a insisté sur l’importance pour les pays africains de collaborer pour construire des partenariats mutuellement bénéfiques. Il a également exprimé sa frustration face à l’exploitation continue de l’Afrique par les puissances occidentales et appelle à un changement de paradigme où l’Afrique prendrait en main son destin économique.

Il a souligné que sa raffinerie pourrait devenir un catalyseur pour le développement économique de la région, en réduisant les coûts liés aux importations de pétrole et en créant des emplois locaux. Cependant, pour que cela devienne réalité, il est crucial que les gouvernements africains soutiennent les initiatives locales et éliminent les obstacles bureaucratiques qui freinent l’innovation et l’investissement.

Ce qu’il faut retenir

A – Chiffres Clés

  1. Investissement dans la raffinerie Dangote : Le projet est évalué à 19 milliards de dollars.
  2. Capacité de raffinage : La raffinerie a une capacité de traitement de 650 000 barils par jour, ce qui en fait la plus grande d’Afrique et l’une des plus grandes au monde.
  3. Infrastructure du pipeline : Le projet comprend 1 100 kilomètres de pipelines capables de traiter 3 milliards de pieds cubes standard de gaz par jour.
  4. Création de valeur : La raffinerie est prévue pour créer un marché pour 21 milliards de dollars par an de brut nigérian et générer des excédents de produits raffinés pour l’exportation.
  5. Délai de production : Initialement prévue pour juin, la vente de pétrole a été repoussée à la mi-juillet 2024, en raison de problèmes logistiques mineurs.
  6. Emplois créés : Le projet est estimé créer environ 70 000 emplois directs et indirects durant la phase de construction et 10 000 emplois permanents une fois opérationnel.
  7. Emplois potentiellement détruits : Le développement de la raffinerie pourrait affecter les emplois liés à l’importation de produits pétroliers, en réduisant la dépendance aux importations.

B – Objectifs à Atteindre

  1. Autosuffisance énergétique : Réduire la dépendance du Nigéria aux importations de carburant en produisant localement 100 % des besoins nationaux en produits raffinés.
  2. Stimulation économique : Dynamiser l’économie nigériane en transformant le pays en un hub de raffinage pour l’Afrique, augmentant ainsi les exportations et les revenus.
  3. Réduction de la corruption : Mettre en place des mesures pour minimiser la corruption dans le secteur pétrolier, souvent marquée par le détournement des subventions et des ressources.
  4. Attraction des investissements étrangers : Améliorer l’attractivité du Nigeria pour les investisseurs étrangers en modernisant l’industrie pétrolière et en garantissant un environnement commercial stable et transparent.

Patrice NZIANSE

Back to top