DÉCOLONISER LES ESPRITS

Le Journal du Panafricanisme Économique, Géopolitique & Géostratégique

#1654- 2/5 – Le Mirage Dangoté : Voici pourquoi, on gagne plus d’argent avec l’extraction de pétrole, beaucoup moins avec la transformation.

Leçon #1654- Partie 2/5 : Les faillites en cascade des raffineries de pétrole – Voici pourquoi, on gagne plus d’argent avec l’extraction de pétrole, beaucoup moins avec la transformation, la raffinerie

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Pourquoi la plus grande raffinerie de pétrole du continent africain, de Dangote est vouée à la faillite ?

(Leçon d’éducation financière de Jean-Paul Pougala sur l’imposture industrielle Dangote, expliquée aux enfants des écoles primaires d’Afrique)

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Partie 2/5 : Les faillites en cascade des raffineries de pétrole – Voici pourquoi, on gagne plus d’argent avec l’extraction de pétrole, beaucoup moins avec la transformation, la raffinerie

J’ai mis des années avant de comprendre pourquoi de nombreux africains passaient leur temps à célébrer leurs pseudo ancêtres égyptiens, alors qu’ils savaient pertinemment que c’était faux, qu’un Bantou de la forêt équatoriale avec des Pygmées qui n’ont jamais quitté leur forêt, revendique soudainement qu’il est originaire de la Méditerranée.

Et j’ai compris que la principale conséquence du fait que l’éducation coloniale et post-coloniale a privé l’homme africain des instruments et des connaissances appropriées de lecture du monde qui l’entoure, ce dernier a désormais renoncé à se battre, refusé toute compétition.

Et que parler d’Egypte était plus facile que trouver des stratégies pour mener une guerre contre les tortures et les humiliations coloniales.

Tout est orienté pour fuir toute compétitions avec les autres hommes de la planète terre.

Dans le pays d’où je viens, le Cameroun, le Ministre du Commerce dépense l’argent que le pays n’a pas soi-disant pour promouvoir le « Made in Cameroon ». Quelle idée louable se dirait-on à première vue.

Lorsque lorsqu’on va creuser, on découvre que le « Made in Cameroon », en question, n’est pas une nouvelle version du vaccin contre l’hépatite A ou B assemblée par un laboratoire camerounais au Cameroun, le « Made in Cameroon » n’est pas un nouveau type de fertilisant azoté par des producteurs camerounais en utilisant le gaz naturel du Cameroun, Non !

Le « Made in Cameroon », ce sont les chips de plantain, ce sont les baquettes de champignon etc. On a envie de demander à ce ministre ce fameux « Made in Cameroon » est porteur de quelle valeur de compétitivité et de compétition ? Puisque c’est pour cela qu’on fait la promotion des fabrications locales, toujours en compétition avec un autre produit importé.

La triste réalité est que les africains n’ont toujours pas compris que le monde capitaliste dans lequel nous vivons est un monde qui tourne 24heures sur 24 sur la compétition des intelligences. Si tu n’es pas intelligent, tu te fais bouffer par les autres.

Quand j’étais petit, j’entendais notre président de la République, Amadou Ahijo nous expliquer que nous étions pauvres, à cause de la « détérioration des termes des échanges ». Personne de nous ne comprenait ce que cela voulait dire. Et puis, un jour de 1975, arrivé en classe de 6ème, au CES (Collège d’Enseignement Secondaire) de Bafang, où je fréquentais, quelqu’un a finalement pu m’expliquer ce que cela voulait dire : le professeur d’Histoire et Géographie.

En substance, cela voulait dire que les Blancs achetaient notre café et notre cacao, toujours moins cher et les médicaments que nous leur achetions nous coutaient au contraire toujours plus cher. Et moi de demander à mon enseignant : « pourquoi ne passons-nous pas à autre chose ? ».

Le successeur de Ahijo est arrivé, Paul Biya qui non seulement nous a continué le même slogan des termes de l’échange, mais a ajouté durant les 20 premières années de son règne que nous étions pauvres parce que les blancs ne procédaient au « Transfert de Technologie », et durant les deuxièmes 20 ans de son pouvoir, il nous explique aujourd’hui que nous sommes pauvres parce qu’on ne transforme pas nous-mêmes notre café et notre cacao ou nos ressources naturelles du sous-sol.

Cette réflexion est une erreur politique fatale parce qu’elle oublie complètement la notion de Guerre Economique.

Hier Jeudi le 4 juillet 2024, s’est terminé à Paris, un séminaire intitulé : Mining on Top Africa !

Si l’Afrique était peuplée de dirigeants intelligents qui comprennent un minimum des enjeux du monde, aucun d’eux n’aurait participé à cette rencontre.

La radio publique française Radio France Internationale (RFI) titrait hier l’évènement ainsi :

« Mining on Top Africa: le Sénégal n’entend pas être dépossédé de ses richesses minières »

RFI écrit :

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Le gouvernement sénégalais réaffirme son ambition concernant sa souveraineté économique. Et notamment sur son secteur minier. Le nouveau président Bassirou Diomaye Faye et son gouvernement souhaitent renégocier certains contrats. Lors d’une prise de parole au sommet Mining on Top Africa qui se tient jusqu’à ce jeudi soir (04/07/2024) à Paris, le ministre des mines et du pétrole Biram Soulèye Diop a pointé du doigt « l’assujettissement » des États africains aux pays qui exploitent leurs ressources.

C’est un discours de rupture face notamment à des industriels français : dans la course mondiale aux minerais, le Sénégal — dont le sous-sol recèle une grande variété de minerai (or, phosphate, fer, zircon) – vendra au plus offrant, dit en substance Biram Souley Diop.

« Je ne voudrais pas me limiter à l’Europe. Il faut tirer les bénéfices partout dans le monde ! C’est vrai, je suis venu à Paris, mais si mon intérêt est en Arabie saoudite, j’irai méchamment le chercher là-bas ! »

Les pays africains producteurs de minerai doivent accélérer ensemble pour transformer sur place, dit le ministre, c’est une question de souveraineté. « Tant qu’on ne prend pas la décision de transformer, on ne fait pas de transfert de compétences. Est-ce que vous savez que la France connaît mieux le cadastre minier du Sénégal que le Sénégal ? Ils ont les données encore et ils ne les ont pas partagées avec moi. De quelle générosité parle-t-on ? La transformation, ça suppose aussi savoir ce qu’il y a dans son sous-sol ».

Source : https://www.rfi.fr/fr/afrique/20240704-mining-on-top-africa-le-sénégal-n-entend-pas-être-dépossédé-de-ses-richesses-minières

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C’est la nouvelle rhétorique des naïfs africains : transformer sur place sur les ressources.

Malheureusement, ce refrain mensonger qui démontre la suffisance des dirigeants africains est repris et désormais scandé dans tous les discours des politiciens africains, au pouvoir comme à l’opposition.

Nous verrons à travers l’exemple de Dangote dans cette leçon avec sa plus grande raffinerie d’Afrique, que transformer ne vous garantit pas forcément la place au soleil et je vous démontrerai comment les dirigeants africains ont tous sans exception, renoncé à ce qui donne l’argent pour se contenter des miettes, comme le répète sans se rendre compte, ce ministre sénégalais hier soir à Paris.

Pour bien comprendre cette leçon et mieux conseiller vos politiciens, vous devez retenir ces 10 points que j’ai simplifiés pour rendre la leçon compréhensible pour les enseignants de nos écoles primaires et secondaires en Afrique mais aussi, par tout le monde :

Dans le secteur du pétrole, c’est la raffinerie qui est la partie la moins rentable, entre 12 à 18 dollars par tonne. Celui qui s’enrichit est celui qui produit le pétrole brut et non celui qui raffine les produits pétroliers finis (essence, gasoil…).

Et malheureusement, les pays africains ont tous fait le choix de confier aux étrangers l’extraction de leur pétrole brut, pour se contenter des minables commissions, le Cameroun, le Gabon, le Tchad, le Nigeria et plus récemment le Sénégal.

Tous se contentent de la partie la moins rentable, la raffinerie et se font même appeler « pays producteurs de pétrole », alors qu’ils ont raté le coach et donc ne sont et ne resteront dans ce schéma, que des spectateurs de l’exploitation, pire de la spoliation de leurs ressources.

L’Afrique ne manque pas de raffinerie, celles qui existent ne sont utilisées qu’à 30% en moyenne. Le problème du continent africain est par conséquent le très faible nombre de raffineries, réellement en activité. La plupart sont à l’arrêt, pour manque d’argent pour les entretenir, à cause du point 1.

A cause du point 1, 80% des raffineries qui existaient en Europe en 1960 sont tombées en faillite dont la moitié dans les années 1970 après la crise dite du pétrole.

Pour tenter de rendre moins rude le point 1, les raffineries qui ont survécu l’ont été en se développant dans les complexes industriels, afin de livrer par des tuyaux les complexes pétrochimiques voisins

Les raffineries sont moins rentables en Afrique qu’en Europe, à cause du coût et de la disponibilité de l’énergie, parce que les raffineries de pétroles sont par définition énergivores : pour sortir l’essence ou le gazole de la boue noire de pétrole, il faut chauffer cette boue à 500-600°c.

La première raffinerie de pétrole Samir, unique raffinerie du pays, qui employait 867 salariés, construite au Maroc en 1961 et qui alimentait en carburant, les pays d’Afrique de l’Ouest, y compris le Nigéria, a été mise en liquidation judiciaire par un juge marocain le 21 mars 2016, à cause de sa montagne de dette qu’elle n’arrivait pas à rembourse, d’un montant total de plus de 45 milliards de dirhams (4,16 milliards d’euros).

L’avenir n’est pas rose pour l’industrie pétrolière, notamment à cause de la baisse de la consommation qui est ininterrompue depuis la crise de pétrole en 1973 par la recherche des technologies moins énergivore et récemment accélérée par la course aux véhicules électriques.

C’est la mode des voitures propres qui consomment moins (pour lutter contre les émissions du gaz à effet de serre). Dans beaucoup de pays, comme les États-Unis, le carburant issu de l’éthanol est en train de prendre le dessus.

Dans la crise ukrainienne, si l’Inde raffine l’essentiel du pétrole russe vendu ensuite en Europe, c’est avant tout parce qu’avant la crise, elle avait des installations de raffinerie, qui produisaient de loin en déca de leurs capacités.

Pire, le fait de monter en gamme et de tourner à plein régime, a surtout eu comme conséquence de priver les raffineries européennes, de pétrole, notamment en Sicile, dans le sud d’Italie, qui tournaient presque toutes à environ 30% de leur capacité et qui sont désormais en très mauvaise posture et les faillites sont déjà programmées, pour plusieurs d’entre elles.

L’unique raffinerie du Cameroun, avant l’incendie de 2019, la Sonara était déjà en faillite depuis 2014, à cause de sa montagne de dette qu’elle n’arrive pas à rembourser. Voici l’intitulé de ce constat établi par la Commission technique de réhabilitation des entreprises du secteur public et parapublic (CTR) en 2019 : « La Sonara [Société nationale de raffinage] se trouve dans une situation de faillite depuis l’exercice 2014, conformément aux dispositions de l’article 664 de l’acte uniforme Ohada relatif au droit des sociétés commerciales et du Groupement d’intérêt économique, car ses capitaux propres sont inférieurs à la moitié de son capital social ».

A la fin du mois de décembre 2021, la Sonara devait aux banques, 261 milliards de francs CFA et aux traders, 371 milliards de francs CFA. Sa reconstruction nécessitait 250 milliards de Francs CFA déjà prélevés à la pompe à hauteur de 47,88 francs CFA sur chaque litre de carburant acheté par les Camerounais.

Dans l’industrie du pétrole, le plus difficile et donc le plus rentable n’est pas de raffiner, mais d’extraire le pétrole. La seule possibilité d’être rentable pour les raffineurs, c’est de sortir tous les 8 dérivés de pétrole, comme me mazout pour le chauffage. Mais en Afrique, ce n’est pas utile. Donc, l’Afrique a un point de compétitivité en moins, et donc, ce n’est pas intéressant de raffiner le pétrole dans une Afrique, sans complexe pétrochimique et sans abondance de l’énergie électrique.

De nombreux camerounais naïfs et ignorants sont fiers de dire que le premier président du Cameroun Amadou Ahidjo a créé une raffinerie de pétrole, la Sonara. Et pourtant selon moi, c’est sans nul doit l’acte le plus idiot qu’il a accompli durant ses 22 ans à la tête du Cameroun.

Et plus de 40 ans après, l’homme d’affaire nigérian commet exactement les mêmes erreurs stratégiques en construisant, la plus grande raffinerie de pétrole du continent africain.

La raison principale tient au fait que dans le métier, ce sont les extracteurs-producteurs de pétrole qui gagnent de l’argent et non les raffineurs.

En d’autres mots, depuis 50 ans, lorsqu’on observe la structure financière du secteur pétrolier, on constate que la rentabilité se concentre dans la partie en amont de l’extraction-production de pétrole et de gaz qui est supérieure à la finition, qu’on appelle le downstream, c’est-à-dire le raffinage et la pétrochimie.

L’erreur de Ahijo au Cameroun en 1970, comme celle de Faye au Sénégal 50 ans après est celle de confier la partie rentable du secteur pétrolier, l’extraction-production à des entreprises étrangères et espérer tout de même que le pétrole extrait du sous-sol du pays permettra de résoudre tous les problèmes du pays.

La Société Nationales Camerounaise de Raffinage de pétrole, Sonara créée par décret présidentiel n° 73/135 du 24 mars 1973, constituée le 7 décembre 1976 et inaugurée le 16 mai 1981 est une entreprise qui, sur le plan de l’intelligence économique, n’aurait jamais dû voir le jour.

Sur le site internet de la Sonara, on peut lire que les installations de la raffinerie inaugurée à Limbe en 1981 étaient du type : “topping reforming”. C’est-à-dire de distillation simple.

Avant de vous expliquer ce que c’est, nous pouvons déjà constater que dans le secteur pétrolier, les premières ondes de faillites ont été enregistrées après le premier choc pétrolier de 1973 et les raffineries qui sont presque toutes tombées en faillites étaient celles du type “topping reforming”, parce que peu compétitives.

La seule manière de devenir compétitive, c’est d’avoir des installations modernes et d’être tout proche de la zone d’où on extrait le pétrole. C’est en tout cas l’explication sur le succès des modernes installations asiatiques et américaines qui inondent le marché du pétrole raffiné moins cher et qui fait la fête des Traders.

On peut donc, conclure, sans se tromper qu’en 1976, c’est une raffinerie d’occasion résultant de nombreuses faillites des raffineries françaises qui a été installée au Cameroun.

C’est aussi ce qui explique le fait que le Cameroun produit le pétrole brut depuis 1970, et sait bien de produire le pétrole lourd, mais au moment de s’équiper pour sa première raffinerie, achète plutôt les installations pour le pétrole léger, c’est-à-dire, une raffinerie pour raffiner le pétrole de la mer du nord.

C’est à mon avis ce qui explique le fait que le Cameroun n’a jamais raffiné son propre pétrole. Et le pire est qu’on veut remettre les mêmes raffineries d’occasion provenant de la France, pour remplacer celle incendiée en 2019.

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Jean-Paul Pougala

Vendredi le 05 Juillet 2024

Patrice NZIANSE

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