(Dans la rubrique : Le Mirage Dangote) Partie 5/5
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(Extrait de la Leçon de guerre économique et d’intelligence stratégique n° 1686 de Jean-Paul Pougala sur le Mirage Dangote expliqué aux Enfants des Ecoles Primaires d’Afrique, à lire ans son intégralité sur www.pougala.net)
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Dans la rubrique : Le Mirage Dangote
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5ème partie
Les Africains croient en bonne foi qu’ils sont les seuls à posséder le pétrole et pas les européens. Ce qui est faux naturellement.
Ce qu’ils ne savent pas est qu’il y a un opérateur public qui agit sur le marché et en fixe les règles. Cet opérateur est saoudien. Il s’appelle Aramco, qui en produisant à seulement 3 dollars le baril, a rendu non rentable l’essentiel des réserves de pétrole dans l’occident, à commencer par les Etats-Unis, qui ne se sont mis à exploiter le pétrole de schiste que parce que le prix du pétrole a flambé sur les marchés, les rendant subitement rentables.
La conséquence est que les plus grandes raffineries de pétrole en Occident sont de propriété de Aramco, qui en raffinant son propre pétrole, le moins cher du monde à extraire du sol, a cassé les prix dans les raffineries, poussant à la faillite en trente ans, plus des 2/3 des raffineries européennes.
Et si j’ai dit que la construction de la Sonara au Cameroun a été l’argent du contribuable camerounais jeté à la fenêtre, c’est parce que cela a été après la crise pétrolière de 1973, lorsque les Saoudiens ont décidé de lancer leur offensive par la nationalisation de l’entreprise américaine Aramco, dont je vais vous parler dans une prochaine leçon.
Dès lors, la Sonara ne sera jamais plus rentable, ou plus compétitive parce que le pétrole raffiné venant d’une raffinerie appartenant à Aramco sera toujours beaucoup moins cher.
Et les différents majors que sont Total, Shell, Exxon, BP ne sont chez nous pour exploiter notre pétrole que parce qu’ils l’ont presque gratuitement, même quand nous croyons naïvement avoir pris 15% comme au Burkina ou 55% comme au Nigeria dans le projet minier.
Question : Qu’est-ce que le Nigéria a en commun avec la République démocratique du Congo ?
Réponse : Dans ces deux pays, les Etats-Unis sont très actifs contre la Chine parce que cette dernière veut renforcer la puissance publique dans la possession des matières premières énergétiques et les Etats-Unis, à l’inverse préfèrent les privés et font tout pour réduire la force du pouvoir public dans la propriétaire des ressources énergétiques.
Pour y arriver, l’armée nationale du pays africain, doit être faible, ou tout au moins, plus faible que les forces militaires qui s’opposent à elle.
M23 au Congo et Boko Haram au Nigeria rentrent dans cette stratégie.
C’est dans cette même logique que surgit un certain Aliko Dangote qui a rencontré plus de chefs d’états français que les présidents de la République du Nigeria.
Dangote a été reçu par le président français François Hollande à l’Élysée en 2016. Il va rencontrer son successeur, Emmanuel Macron, à deux reprises : la première fois en 2018 à Lagos durant le voyage officiel de Macron dans le pays et la seconde fois l’année d’après à Versailles, en 2019, à l’occasion du sommet “Choose France”.
Pour bien cerner combien c’est important la figure de Dangote pour comprendre la guerre de positionnement stratégique du nouveau monde entre les Etats-Unis et la Chine, je vous propose un exemple très parlant : l’entreprise Aramco.
Le chiffre d’affaires d’Aramco réalisé en 2022 était près de trois fois supérieur à celui du numéro 2 mondial du pétrole, l’américain Exxon.
La compagnie pétrolière saoudienne a déclaré un flux de trésorerie disponible de 148,5 milliards de dollars fin 2022, contre 107,5 milliards de dollars un an plus tôt, profitant des conséquences du conflit ukrainien entre la Russie et l’Occident.
Alors que Aramco a totalisé en 2022, un bénéfice net de 161 milliards de dollars, plus des deux tiers des bénéfices des autres majors pétrolières dans le monde, réunies.
En comparaison, la même année 2022 grâce au conflit ukrainien, la major pétrolière américaine ExxonMobil a dégagé un profit record de 55,7 milliards de dollars en 2022. L’américain Chevron affiche 35,5 milliards de dollars de profits. Le britannique Shell a enregistré en 2022 le bénéfice le plus élevé de son histoire à 42,3 milliards de dollars. Le groupe britannique British Petroleum a annoncé pour 2022 un profit de 26,7 milliards de dollars.
Le groupe français TotalEnergies annonce pour 2022 un bénéfice record lui aussi, de 20,5 milliards de dollars, contre 16 milliards de dollars en 2021.
Aramco, avec ses 161 milliards de dollars de bénéfice, lui aussi record en 2022, totalise seul, les 2/3 de tous ses concurrents occidentaux réunis.
Question : C’est quoi la différence principale entre ARAMCO et les autres majors pétrolières comme Exxon, Chevron, Shell, BP et Total ?
Réponse : Aramco est publique, et correspond au nouveau model chinois d’où l’admission de l’Arabie Saoudite dans le Brics, alors que les autres sont privés et correspondent au model américain.
Je dois encore publier la deuxième partie de la leçon sur le pétrole au sujet de Aramco, mais d’ici là, retenez que Aramco est aujourd’hui l’entreprise la plus puissante au monde, avec plus de 73 000 employés en 2023, des activités dans le secteur de l’énergie, de l’exploration à la raffinerie, avec des bureaux dans le monde entier, notamment en Asie, en Europe et en Amérique.
Et plus précisément, Aramco possède des bureaux à Pékin, Houston, Londres, New Delhi, New York, Séoul, Shanghai, Singapour, Tokyo et ailleurs.
Les bénéfices de Aramco sont versés dans le Fonds d’investissement public (PIF) du royaume saoudien, l’un des plus grands fonds souverains au monde avec plus de 620 milliards de dollars d’actifs en 2023.
C’est cela le cœur de la bataille du futur : la Chine dans la vision idéologique du Parti Communiste Chinois (PCC), veut contribuer à faire créer une frange de pays qui deviennent puissants, non pas à travers leurs privés, mais essentiellement à travers les entreprises publiques, pour réaliser ce qu’ils appellent à Pekin : la prospérité partagée.
Mais cela ne plait pas toujours à tout le monde.
Voici comment la secrétaire de l’ONG britannique générale, Amnesty International, Agnès Callamard, dans un communiqué, commente l’exploit de Aramco :
“Il est choquant qu’une entreprise réalise des profits de plus de 161 milliards de dollars en un an à travers la vente d’énergies fossiles, le principal facteur de crise climatique” (…). “C’est d’autant plus choquant que cet excédent a été amassé en pleine crise mondiale du coût de la vie aggravée par la hausse des prix de l’énergie, conséquence de l’invasion de l’Ukraine par la Russie”.
Vous allez me demander : qu’est-ce que Amnesty International a à voir avec les bénéfices de Aramco ?
Nous verrons avec son rôle déterminant dans le développement de Boko Haram au Nigeria, pour comprendre pourquoi elle est déterminante, pour lutter contre l’autre camp, celui où on veut la supériorité de la création de richesse par le public, et non le privé.
A la une du principal quotidien français, Le Figaro, d’hier dimanche 28/07/2024, mais dans vos kiosques à journaux ce lundi 29 juillet 2024, il y a ce titre :
“Cuivre, cobalt, lithium… La nouvelle ruée vers l’eldorado minier de l’Afrique”
Sous-Titre :
“Américains et Européens rivalisent pour rattraper leur retard sur la Chine dans l’accès aux immenses réserves du continent en métaux stratégiques.”
Les deux journalistes françaises, auteures de l’article, Clara Galtier et Armelle Bohineust écrivent :
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C’est une guerre discrète mais décisive. L’Afrique, nouvel eldorado minier, est devenue le champ d’une bataille intensifiée entre grandes puissances.
Les États-Unis sont intervenus récemment auprès de Gécamines, société minière publique de la République démocratique du Congo (RDC) pour contrer la vente d’actifs de cuivre et de cobalt à une entreprise chinoise.
Washington a fait feu de tout bois pour convaincre le fleuron congolais de considérer d’autres propositions, alors que l’empire du Milieu exploite déjà la plupart des sites sous la tutelle de Kinshasa.
Avec succès, l’opération ayant été annulée.
L’affaire illustre la compétition entre l’Occident et la Chine pour le contrôle des ressources stratégiques indispensables à la transition énergétique. Pékin, qui, dès les années 1980, élaborait sa vision d’un monde carburant aux énergies renouvelables, domine le raffinage de nombreux minerais critiques, comme le cobalt et le lithium…
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Source : https://www.lefigaro.fr/…/cuivre-cobalt-lithium-la…
Le titre de cet article résume parfaitement les enjeux du moment :
« La nouvelle ruée vers l’eldorado minier de l’Afrique », est en réalité, la nouvelle ruée des Européens et des Américains vers l’eldorado minier de l’Afrique, car à bien y regarder, l’Afrique est l’El Dorado Minier des Américains et des Européens et non des Chinois.
La Chine produit l’essentiel de ce qui lui sert en terres rares, directement à travers ses propres mines. Ce que ne possèdent pas les Européens et les Américains dans leurs pays.
Et pire, cette ruée s’accélère à partir du moment où la Chine, est en train de réduire ses exportations vers les pays occidentaux, à qui, il ne reste plus que de venir en Afrique, prêts à financer les rebellions au Mali, au Niger ou en RDC pour mettre la main sur ce que la Chine refuse désormais de leur vendre.
Et nous verrons plus loin dans quelle logique s’inscrit non seulement les 37 milliards de barils de réserve du pétrole du Nigeria, mais une personne Dangote qui sera au cœur de cette ruée vers l’Afrique de l’Occident.
POURQUOI L’OCCIDENT EST PRET A TOUT POUR S’ACCAPARER LES MINES STRATEGIQUES AFRICAINES ?
Il y a un an, le 3 juillet 2023, le même quotidien Le Figaro titrait à la une ceci :
“La Chine verrouille l’accès aux métaux critiques”
Sous-titre : “Pékin, déjà omniprésent dans le raffinage de nombreux minerais, impose de nouvelles restrictions sur ses exportations clés.”
La même journaliste Armelle Bohineust a écrit il y a juste un an :
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La bataille des semi-conducteurs, l’un des pans de la guerre commerciale qui oppose Pékin à Washington, s’amplifie. La Chine a annoncé lundi le 3/07/2023, qu’elle imposerait, à partir d’août 2023, des restrictions sur les exportations de deux métaux rares dont elle est le premier producteur. Pour obtenir (en Chine) une licence d’exportation de gallium et de germanium, il faudra désigner les acheteurs finaux et l’utilisation prévue de ces deux métaux clés pour les semi-conducteurs. Ces mesures sont prises pour «préserver la sécurité et les intérêts nationaux», affirme le ministère du Commerce chinois.
Le gallium, présent dans les circuits intégrés, les LED et les panneaux photovoltaïques, est considéré comme une matière première critique par l’Union européenne. La Chine représente 80 % de la production de gallium, pointait en 2020 un rapport de la Commission Européenne à Bruxelles, qui indiquait aussi que 80 % du germanium, élément clé pour les fibres optiques et l’infrarouge, est produit en Chine.
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Source : https://www.lefigaro.fr/…/la-chine-verrouille-l-acces…
En d’autres mots, l’Afrique est aujourd’hui une cible des enjeux que les africains dans leur ensemble, ignorent.
Le président Tshisekedi écoute Washington, conteste les contrats miniers avec la Chine, sous prétexte que Sson pays a été trompé et annule ceux que lui indique Washington dit l’article.
Il ne faut pas ensuite s’étonner de la suite logique des évènements : le M23, soutenu par le Rwanda, lui à son tout soutenu par Washington avec un seul objectif : mettre la main sur les ressources minières stratégiques de la République Démocratique du Congo.
Et ce dernier ne comprend pas qu’en se rangeant derrière celui qui soutient le Rwanda, il n’aura jamais la paix.
Et pire, il le fait en fâchant le seul opérateur, la Chine qui n’a pas comme Washington un besoin vital des ressources minières congolaises, et qui pour cela, aurait pu lui donner les moyens financiers et militaires pour contrer le Rwanda qui semble disposer des moyens sans limite, venant de Washington, mais aussi de Londres, pour déstabiliser la RDC, alors que ce dernier ne dispose d’aucun allié à la taille de son voisin e ennemi, le Rwanda.
Nous allons voir que les autres dirigeants africains, sont dans la même situation d’avancer aveuglement dans un panier de crabes qu’est le monde, dans lequel, ils sont les seules proies encore disponibles.
Nous sommes au cœur d’un monde qui change, sous l’impulsion de deux forces qui s’opposent en philosophie, en économie et surtout, en idéologie.
Le premier pole conduit par les Etats-Unis veut un monde où le pouvoir public ne doit pas interférer avec les mines, avec les produits énergétiques, avec la production de richesses et le deuxième pole conduit par la Chine, qui veut rendre l’état suffisamment puissant pour défendre la prospérité du plus grand nombre de citoyens.
DANS L’ENSEMBLE LES PAYS AFRICAINS SE PREPARENT POUR REJOINDRE LE CAMP DES ETATS-UNIS
Dans la soirée du jeudi 18 juillet 2024, à Ouagadougou, en conformité au code minier en vigueur dans l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), le Parlement de la transition, adopte le nouveau code minier du Burkina Faso qui permet à partir de maintenant, à l’État Burkinabe, de prendre jusqu’à 15 % dans tous les nouveaux projets miniers.
Et tout le monde est content.
Mais il s’agit ici de la même erreur fatale congénitale faite par le Nigeria avec l’entreprise publique (qui est aujourd’hui au cœur du bras de fer avec Dangote), qui est arrivé jusqu’à posséder 55% des projets pétroliers des opérateurs occidentaux.
Les nouvelles autorités militaires au pouvoir à Ouagadougou, comme les dirigeants Camerounais, Gabonnais, Tchadiens ou Nigérians, ne comprennent pas qu’ils doivent faire le choix du modèle étatique chinois, comme l’a fait l’Arabie Saoudite 50 ans plus tôt :
S’imposer pour posséder les 100% des ressources énergétiques et stratégiques de leurs sous-sols, sinon ils vont passer des années, dans la distraction et la déstabilisation entretenue pour faire diversion et les empêcher de penser au vrai enjeu : copier le modèle de Aramco en possédant non pas une partie d’un projet ou deux projet, mais l’essentiel des réserves de pétrole ou de tout autre produit du sous-sol.
Se contenter d’un pourcentage dans l’entreprise de quelqu’un d’autre dans laquelle vous n’êtes pas aux commandes, c’est la pire des naïvetés car les manipulations comptables, les acrobaties financières et les jongleries budgétaires, sans oublier les inavouables manœuvres pour les optimisations fiscales permettent allègrement de faire dire à n’importe quel chiffre ce qu’on veut.
Et l’ignare pays africain qui se contente de posséder des pourcentages dans le projet n’y voyant que du feu de la prestidigitation.
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Jean-Paul Pougala
Lundi le 29 Juillet 2024