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(Extrait de la Leçon de guerre économique n° 1677 de Jean-Paul Pougala sur le mirage Dangote expliqué aux enfants des écoles primaires d’Afrique, à lire dans son intégralité de 14 pages sur www.pougala.net)
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Qu’en pense la Banque Mondiale ?
Voici ce qu’écrit Klaus Tilmes (directeur du pôle mondial d’expertise en Commerce et compétitivité du Groupe de la Banque mondiale) de Washington, le 27/07/2016 :
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Les pays d’Afrique ont tout intérêt à promouvoir la concurrence sur les marchés. Les cartels, les pratiques anticoncurrentielles et les règles qui protègent les marchés contre la concurrence contribuent nettement au renchérissement de divers produits.
WASHINGTON, 27 juillet 2016 — Les pays d’Afrique ont beaucoup à gagner à encourager des marchés ouverts et concurrentiels, surtout pour favoriser une croissance économique durable et pour faire reculer la pauvreté.
Or, dans les faits, bien des marchés affichent un faible niveau de concurrence. À l’échelle mondiale, plus de 70 % des pays africains se situent dans la moitié inférieure du classement en termes d’intensité perçue de la concurrence locale et d’existence d’éléments fondamentaux pour des marchés concurrentiels. La prévalence des monopoles, duopoles et oligopoles est relativement élevée en Afrique par rapport à d’autres régions.
Dans plus de 40 % des économies africaines, un opérateur détient plus de la moitié du marché des télécommunications et du transport.
Ce manque de concurrence induit des coûts considérables. Ainsi, les prix au détail de 10 produits essentiels, dont le riz blanc, la farine blanche, le beurre et le lait, sont supérieurs d’au moins 24 % dans les villes africaines par comparaison avec d’autres grandes villes de la planète. Tous les consommateurs, et surtout les pauvres, en pâtissent. (…)
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Ciment
Le ciment joue un rôle crucial dans la construction des infrastructures et des logements ;
Neuf entreprises de ciment régionales concentrent l’essentiel des capacités de production du continent ;
Dans 18 pays, un fournisseur détient plus de la moitié du marché ;
En Afrique, les prix du ciment sont en moyenne plus élevés de 183 % que les prix mondiaux ;
L’application de la législation régissant la concurrence, l’élimination des barrières non douanières et la mise en place de règles favorables à la concurrence pourraient permettre aux consommateurs africains d’économiser quelque 2,5 milliards de dollars par an (dans le secteur du ciment).
Source : https://www.banquemondiale.org/…/07/27/africa-competition
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Pourquoi le monopole surtout privé est dangereux pour un pays ?
Le 23 juin 2023, le ministre camerounais du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, s’exprime devant les députés à l’Assemblée nationale du Cameroun, au sujet d’un rachat de Guiness-Cameroun par Castel-Cameroun, pour contrôler 80% du secteur brassicole au Cameroun. Et le ministre est plutôt content, très content.
Il annonce la bonne nouvelle du siècle aux députés :
« Le Trésor public camerounais a encaissé la somme de 51 milliards de FCFA aux titres des impôts divers, suite au rachat des actifs de Guinness Cameroun par le groupe français Castel. (…) Cette opération s’est traduite par un double chèque de 36 milliards de FCFA au titre de l’impôt sur les plus-values et de 15 milliards de FCFA en termes de frais d’enregistrement, soit une recette globale immédiate de 51 milliards de FCFA ».
Ce que le ministre ne sait pas est qu’en matière de guerre économique, jamais 1+1= 2. En matière fiscale, il aurait plutôt dû s’attendre d’avoir plutôt l’équation 1+1 = 1
Car si Castel a pris la peine de se fusionner avec Guiness, pour un produit comme la bière dont le prix est soumis à la procédure d’homologation préalable, pour ensuite faire les investissements qu’il a annoncé, de 200 milliards de Francs CFA, c’est avant toute chose pour avoir une situation dominante à utiliser pour affaiblir son principal concurrent UCB (Kadji), mais aussi et surtout, pour réaliser des économies et pas certainement sur le prix de la bière, mais pour rétrécir son assiette fiscale et payer au final moyen d’impôts.
Donc, le fameux double chèque de 51 milliards de francs cfa dont s’exulte le ministre qui sera encaissé par le Trésor Public camerounais, est l’arbre qui cache la forêt des conséquences des rachats, des fusions et des trusts.
Le grand renversement : comment l’Amérique a abandonné le libre marché
Thomas Philippon est un économiste français, diplômé à l’école Polytechnique de Paris, MIT de Boston, et depuis 2003, il est professeur à l’école de commerce la Stern School of Business de l’Université de New York.
Il est l’auteur du livre « The Great Reversal. How America gave up on free markets » (Le grand renversement : comment l’Amérique a abandonné le libre marché), publié à la Harvard University Press le 5/11/2019, et traduit en français avec le titre « Les gagnants de la concurrence », publié aux Editions du Seuil à Paris le 21/01/2022.
Dans ce livre, il nous dit que la concurrence grâce à trois indicateurs : la concentration (fusion), les profits et les prix. Et lorsque les prix sont régulés, où pensez-vous que l’industriel va réaliser des profits ? Bien sûr dans l’optimisation fiscale.
Dans ce livre, Thomas Philippon quelque chose de plus grave en prenant l’exemple des Etats-Unis. Il affirme ainsi qu’aux Etats-Unis, les politiciens écoutent les baratins des industriels, trop contents de recevoir des aides financières pour leurs prochaines campagnes électorales. En échange, ils vont légiférer en faveur des fusions et acquisitions qui vont immanquablement conduire à la baisse de la concurrence dont l’impact sur la collectivité, pour la nation est catastrophique :
« 1000 milliards de dollars de baisse du PNB américain en 2020 par rapport à un scénario de concurrence, soit 500 milliards de gains pour les entreprises et 1500 de perte pour les impôts et les salariés ».
En d’autres mots, la baisse de la concurrence a eu comme conséquence que la nation américaine a perdu 1500 milliards, même si les opérateurs économiques à l’origine de cette baisse de la concurrence ont plutôt gagné environ 500 milliards de dollars, ce qui correspondant au final à une perte sèche du Produit National Brut américain en 2020 de 1000 milliards de dollars.
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Jean-Paul Pougala
Lundi le 22 juillet 2024